Aller à la mosquée et trouver des brochures de livres sur les « miracles scientifiques du coran » est devenu une chose banale. Beaucoup de prédicateurs, apologistes, ou encore même de musulmans du quotidien qui font de la dawah, continuent d’utiliser cet argument afin de prouver que l’islam est la « vérité ».
Ils continuent étrangement à utiliser ce genre d’argument malgré toutes les contradictions et tout le non-sens qu’il apporte.
Le moindre examen critique de l’argument des « miracles » scientifiques du Coran nous montre à quel point cet argument est éloigné de la tradition musulmane, mais aussi combien cet argument imite le prosélytisme des chrétiens évangéliques et est de ce fait une innovation récente.
Voici quelques exemples de « miracles » scientifiques du coran:
- Le coran dit que la terre a une forme d’œuf d’autruche.
- Le coran mentionne la tectonique des plaques.
- Le coran dit que la chair de l’embryon vient avant les os.
- Le coran prédit la théorie du Big Bang.
- Le coran décrit le cycle de l’eau.
- Le coran parle de l’embryologie moderne.
- Le coran mentionne l’envoi de fer sur la terre.
- Le coran nous informe que la terre n’est pas plate mais ronde.
Les adeptes de ces « miracles » ajouteront en général -> « et tout ça depuis 1400 ans !!! « .
La Mèthode Scientifique Et Le Coran
Avant de comprendre pourquoi prouver le coran par la science est absurde, il convient tout d’abord de comprendre qu’est-ce qu’est la méthode scientifique et comment marche-t-elle? La science fonctionne par induction. C’est à dire que les données sont collectées et des modèles sont construit pour expliquer ces données. La science est probabiliste par nature et ne peut pas expliquer une chose ou un fait avec une absolue certitude. Au fur et à mesure que de nouvelles données (ou découvertes) arrivent, il n’est pas rare que les modèles existants soient rendus obsolètes ou alors changent et s’ajustent à ces nouvelles données, les théories scientifiques de ce fait changent.
On peut facilement vérifier ça en regardant l’histoire de la science, de la révolution copernicienne qui a renversé les modèles scientifiques de l’univers de l’époque à la relativité générale d’Einstein qui a occulté les mécaniques de Newton.
La science est en constante évolution et donc en constant changement, un modèle valide aujourd’hui ne le sera peu-être plus dans 100 ans.
Ainsi, projeter des théories scientifiques sur le coran, c’est établir une croyance sur la base d’un terrain purement probabiliste, empêchant une affirmation de la vérité du coran avec une certitude absolue. Imaginez que le modèle scientifique soit un navire à voiles : quand le vent et les marées (symbolisant l’observation scientifique) changent, la direction du navire change aussi.
On doit alors se poser la question suivante : « Est-ce que le coran a soudainement tort si la science change ? »
Choisir sélectivement les interprétations qui correspondent à nos revendications apologétiques est le plus mauvais service que l’on puisse faire au Coran. La conséquence d’une telle approche est la confusion et le doute généralisé.
Le Grosse Confusion Qui M’a Envahit
ndlr: ici l’auteur de l’article nous raconte son histoire personnelle, ce n’est en aucun cas la mienne, je ne fais que traduire.
Les arguments des « miracles » scientifiques du Coran m’ont influencé quand j’étais adolescent. Les arguments de Zakir Naik sur la façon dont le coran a prédit les découvertes en géologie, en cosmologie et en embryologie m’ont fasciné. Ils étaient devenus pour moi un très fort argument en la faveur de la véracité de l’islam et de plus, beaucoup de gens s’étaient convertis à l’islam grâce à ces arguments. Mais pour mon cas, l’engouement pour de tels arguments était de courte durée.
Au début de mon parcours universitaire, j’avais visionné une vidéo du frère Hamza Tzortzis et Adnan Rashid qui étaient en train de débattre à l’extérieur d’une convention sur l’athéisme avec PZ myers. Durant ce débat, le frère Adnan a déclaré que le coran disait que la chair venait avant les os. Myers avait immédiatement contre argumenté en disant que c’était faux, car ils se forment tous les deux en même temps. Rashid avait alors répondu que le Coran a toujours raison quel que soit le cas de figure, car le mot «thumma» dans le verset peut aussi signifier « simultanément ». Une telle apologétique de la part des musulmans est clairement une source d’embarras et doit être évitée.
Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence; et de l’adhérence Nous avons créé un embryon; puis, de cet embryon Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l’avons transformé en une tout autre création. Gloire à Allah le Meilleur des créateurs!
Sourate 23 verset 14
Le verset en question ne donne aucune raison de supposer que les os viennent avant la chair ou vice-versa. Une telle hypothèse ne peut qu’être issu de nos propres projections sur le coran.
Ma foi dans le doute, j’ai contacté le frère Hamza et je lui ai demandé de me rencontrer dans son bureau. Le frère Hamza était gentil, prévenant et réconfortant. Il avait changé d’avis sur la question des « miracles » scientifiques du Coran et m’avait montré son article: » Le coran contient-il des miracles scientifiques? Une nouvelle approche pour réconcilier et discuter de la science dans le coran » dans lequel, il démontre l’incohérence des arguments en faveur des « miracles scientifiques dans le coran ».
Comment Expliquer La Popularité De Ce Phénomène?
Les arguments en faveurs des « miracles » scientifiques du coran ont gagné en popularité vers les années 90, grâce entre autre au Docteur Zakir Naik, un des plus célèbre prédicateur musulman, même si depuis sa popularité a surement baissée, il n’en reste pas moins qu’il est encore aujourd’hui assez populaire et connu.
Il y a deux raisons qui expliquent l’énorme popularité des « miracles » scientifiques du Coran:
- L’éloignement de notre riche tradition intellectuelle musulmane.
- L’adoption du discours apologétique chrétien évangélique par les musulmans.
L’âge D’or Islamique
Les éloges de «l’âge d’or islamique» mentionnent souvent les progrès et les découvertes scientifiques. Cependant, ces progrès étaient le fruit d’une tradition intellectuelle rigoureuse qui privilégiaient la pensée philosophique et la pensée critique. Les érudits musulmans, motivés par des versets qui appelaient l’Homme à suivre sa loi (Shariah) et à voir les signes de Dieu dans l’univers, produisirent des œuvres merveilleuses en philosophie, en théologie et en science.
La Science N’est Qu’un Outil Pour L’Islam
Le philosophe des sciences, Jeffrey Kopersky explique comment la science est façonnée par les » Metatheoretic Shaping Principles « . Aujourd’hui le naturalisme méthodologique (1) qui maintient deux hypothèses fondamentales: la causalité mécaniste (2) et l’uniformité de la nature (3), est le principe le plus dominant.
En soi, le naturalisme méthodologique est sans doute neutre, mais il est devenu synonyme de naturalisme ontologique (4), un terme décrit par les penseurs des lumières comme un matérialisme. Dans cette vision du monde métaphysique, tout ce qui existe est la matière et l’énergie et tout ce qui est supplémentaire, tel que Dieu, n’existe pas.
Et étant donné que la méthode scientifique actuelle est façonnée par le naturalisme méthodologique (qui est lui-même indissociable du naturalisme ontologique) il est clair que l’approche des «miracles scientifiques du Coran» vis-à-vis de l’islam sera toujours réconciliatrice.
Les contraintes des engagements métaphysiques sur la science incitent certains à privilégier certaines approches et estiment qu’il faut concilier la science et la religion. Plutôt que d’attribuer à Dieu toutes les explications possibles, la science n’étant qu’un outil pour identifier la meilleure explication, l’approche des «miracles scientifiques du Coran» prend la meilleure explication scientifique et tente de réconcilier Dieu et sa religion avec elle.
La tendance d’une telle approche est symptomatique d’un problème plus profond: les musulmans n’ont pas été en mesure d’exploiter et de construire une vision du monde métaphysique dans laquelle Dieu est la cause de toute réalité. Ce n’est pas que notre tradition manque de réponses, mais que nous n’explorons pas notre tradition. Ainsi, de telles approches continueront à moins que nous ne revendiquions notre tradition, en évaluant rigoureusement et en proposant des modèles dans lesquels Dieu, et non le naturalisme, est la caractéristique ontologique ultime.
Définitions des mots clés:
- Naturalisme méthodologique: Robert T.Pennock utilise ce terme pour préciser que la méthode scientifique se limite aux explications naturelles sans présumer l’existence ou la non-existence du surnaturel (En.wikipedia.org, 2018).
- La causalité mécaniste/mécanique: Une théorie de la causalité, qui soutient que deux événements sont connectés causelement si ils sont connectés par un mécanisme physique sus-jacent du type approprié. (Williamson, J., 2011).
- Uniformité de la nature: Ce principe stipule que le cours de la nature continue uniformément, par exemple si X est la cause de Y, alors Y existera nécessairement à chaque fois que X existe. En particulier les uniformités observés dans le passé seront également valables pour le présent et l’avenir. (Nyu.edu, 2018).
- Naturalisme ontologique: Toutes les entités spatio-temporelles (appartenant à la fois au temps et à l’espace) doivent être identiques ou constituées par la physique. (Papineau, 2018).
Citations:
- En.wikipedia.org. (2018). Naturalism (philosophy). [online] Available at: https://en.wikipedia.org/wiki/Naturalism_(philosophy)#Methodological_naturalism [Accessed 9 Apr. 2018].
- Papineau, D. (2018). Naturalism. [online] Plato.stanford.edu. Available at: https://plato.stanford.edu/entries/naturalism/ [Accessed 9 Apr. 2018].
- Williamson, J., 2011. Mechanistic theories of causality part I. Philosophy Compass, 6(6), pp.421-432. http://www.nyu.edu/gsas/dept/philo/courses/modern05/Hume_on_empirical_reasoning.pdf [Accessed 9 Apr. 2018].
A propos de l’auteur de l’article que j’ai traduis: Anas Malik est un biochimiste qui poursuit actuellement son master en Neuroscience. Il a également étudié le Fiqh Maliki et l’arabe. Ses intérêts incluent la science, la religion et la philosophie de l’esprit.
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